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Les copines d’abord – sortie le 12 novembre 2021
Album hommage à Georges Brassens
https://lescopinesdabord.s-ib.link/hommageabrassens
Peu nombreuses sont celles qui ont chanté Brassens. Le public connaît sans doute les merveilleuses interprétations de Barbara, Renée Claude ou encore Juliette Gréco, mais qui aurait imaginé, en 2021, que la nouvelle génération de chanteuses s’intéresserait au répertoire de l’homme à la moustache ? Qui, à l’heure de la “cancel culture“, aurait pensé que des artistes féminines décident de s’emparer d’une œuvre aujourd’hui considérée misogyne par certain.e.s ? Avec Les Copines d’abord, Nach, Clou, Janie, Clio, Erza Muqoli, Philippine, Corine, Anne Sila, Nina Louise et Vanille relèvent le délicat défi de moderniser sans abîmer les plus beaux titres de Georges Brassens, dans un album hommage d’autant plus intéressant qu’elles ont chacune des univers différents et assez éloignés de la chanson populaire (quelle agréable surprise, par exemple, d’entendre l’extravagante Corine s’écarter de sa disco-pop dans une version piano-bois presque murmurée de “J’ai rendez-vous avec vous“).
Puisque cette année 2021 marque à la fois le centenaire de la naissance du chanteur et les quarante ans de sa disparition, il est amusant de constater qu’aucune des femmes présentes sur l’album n’était née en 1981. Elles n’ont donc pas connu l’époque chantée par le fumeur de pipe, dont la carrière a commencé au début des années 1950, quand le féminisme tel que nous le connaissons aujourd’hui n’en était qu’à ses discrets prémices. Or, c’est un fait : la société dans laquelle a grandi et vécu Brassens était (encore plus) sexiste (que la nôtre). Et pour les oreilles bien ouvertes, il n’est pas certain que son répertoire soit complètement intemporel. Pensons aux titres “Misogynie à part“ qui proposait en 1969 un classement plutôt réducteur de la gent féminine : “Il y a les emmerdantes, on en trouve à foison / En foule elles se pressent / Il y a les emmerdeuses, un peu plus raffinées / Et puis, très nettement au-dessus du panier, il y a les emmerderesses“ ou “Les Casseuses“ (1976) dans lequel il chantait : “Quand vous ne nous les caressez pas, chéries, vous nous les cassez“. Oui, la phallocratie a mal vieilli. Mais on aurait tort, en dépit des analyses de textes imparables et sévères que l’on peut lire ici et là, de renoncer à écouter Brassens.
Dans Les Copines d’abord, il est particulièrement appréciable que les paroles n’aient pas été féminisées, comme c’est de plus en plus le cas dans les reprises (ce qui fonctionne rarement). Lorsqu’elles chantent le titre éponyme, ce sont bien “Les Copains d’abord“ que les artistes célèbrent et, pourtant, à travers leurs voix, ce refrain si fameux s’impose immédiatement comme un nouvel hymne à la sororité. “Au moindre coup de Trafalgar / C’est l’amitié qui prenait l’quart / C’est elle qui leur montrait le nord / Leur montrait le nord“… Finalement, qui a dit que cette chanson était une affaire de boys club ? Et si, de nos jours, il est souvent question de peser chaque choix de pronom et de mot, soulignons que Brassens, dans “La Non-demande en mariage“, féminisait déjà l’expression de “maître queux“ qui fait référence au chef des cuisiniers dans les grandes maisons. Nina Louise et Anne Sila interprètent magnifiquement ce qui demeure l’une des plus progressistes chansons de Brassens. Écrite pour Joha Heiman (surnommée Püppchen, “petite poupée“ en allemand) qu’il rencontre en 1947, cette non-demande est autobiographique : Georges et Joha n’ont jamais vécu ensemble ni ne se sont mariés, malgré le fait qu’ils se soient aimés jusqu’à la mort de l’artiste. Au-delà de l’anticonformisme de ce morceau, Brassens critique également la charge mentale domestique qui pèse lourd sur les femmes. “Laissons le champ libre à l’oiseau / Nous serons tous les deux priso- / Nniers sur parole / Au diable les maîtresses queux / Qui attachent les cœurs aux queues / Des casseroles“. Défendre ces idées-là, en 1966, ce n’est pas rien. Ce n’est pas rien non plus d’écrire “La complainte des filles de joie“ qui prend ici tout son sens grâce à la version collégiale de Corine, Nach, Clou et Philippine, portée par des arrangements dignes des musicals de Broadway. Ainsi théâtralisé et incarné, le point de vue des prostituées présenté par Brassens est réactualisé, plus poignant. “Il s’en fallait de peu mon cher / Que cette putain ne fût ta mère / Cette putain dont tu rigoles / Parole, parole“.
Dans un profond respect des mélodies et des textes, les copines musiciennes deviennent littéralement les héroïnes des chansons de Brassens, se moquant désormais des genres, revendiquant leur “mauvaise réputation“, leur liberté de faire ce qu’elles veulent de leur corps avec les hommes de “la marine“ ou “dans l’eau de la claire fontaine“, de se montrer tentatrices pendant les nuits où il y a de “l’orage“. C’est savoureux. Georges Brassens, qui a passé sa vie entouré (et éduqué) par des femmes, avait bien compris leur force. Et en écoutant “Les Passantes“ réinventé brillamment pour Erza Muqoli, 16 ans seulement, on comprend définitivement qu’il n’y a pas d’âge pour prendre le pouvoir… en passant, ou en chantant.
Chloé Thibaud
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Les copines d’abord
Un disque en hommage à Georges Brassens. Avec Les copines d’abord, Nina Louise, Erza Muqoli, Clio, Nach, Janie, Anne Sila, Philippine, Corine, Clou et Vanille relèvent le délicat défi de moderniser sans abîmer les plus beaux titres de Georges Brassens, dans un album hommage d’autant plus intéressant qu’elles ont chacune des univers différents et assez éloignés de la chanson populaire.